samedi 6 octobre 2012

Batman : le défi

   Grisée par l'envie d'écrire et le fait que cette fois, je maîtrise à peu près mon clavier souple qui est une plaie pour mon rythme de frappe, j'entame la seconde chronique de cette série, en espérant qu'elle ne va pas pourrir dans un coin de mon ordinateur pendant deux siècles. Allumons le bat-signal, sautons dans la batmobile, car voilà que se profile au loin Batman : le défi !


   Encore un film réalisé par mon idole Tim "les peignes sont mes amis" Burton (parce qu'on ne se lasse pas des blagues sur les cheveux), c'est apparemment la suite du premier Batman chroniqué ici. Je vous engage à jeter un oeil à la chronique, parce que j'y ferai souvent référence. Dans ce volet, sorti en 1992, le justicier en cuir et plastique noir se retrouve pris entre plusieurs feux, et doit défendre Gotham des agissements du Pingouin et de l'effroyable et distingué Max Shreck, tout en essayant de ne pas se faire mettre des bâtons dans les roues par Catwoman.

   Les acteurs :

- Ceux qui reviennent :

- Michael Keaton reprend son rôle de justicier masqué / play-boy milliardaire et continue de faire régner la justice sur Gotham avec tous ses joujoux high-tech.

- Michael Gough est toujours le bon Alfred, 100 % majordome anglais, qui subit les frasques de son maître avec patience et flegme britannique.

Nanananana BATMAN !

- Les petits nouveaux :

- Danny de Vito (qui a joué dans une tonne de films dont Vol au-dessus d'un nid de coucous, LA Confidential, une autre collaboration avec Tim dans Big Fish (où il fait le directeur de cirque), et la voix de Philoctète dans Hercule) se glisse dans l'inquiétant (et rebondi) costume du Pingouin, qui sous la houlette d'un autre méchant, va comme tout bon méchant de Bêtman tenter de mettre sa nageoire sur Gotham.

 Un pingouin 

Le Pingouin
(oui bon, elle était facile)

- Michelle Pfeiffer (une des sorcières de Stardust, Mme de Tourvelle dans les Liaisons dangereuses, Elizabeth dans le récent Dark Shadows toujours par Tim, ainsi que Hairspray, Les sorcières d'Eastwick et (glurck) Scarface) incarne la maladroite Selina Kyle, qui elle-même enfile à la nuit tombée le costume tout en vinyle et en grâce de Catwoman, pour rôder sur les toits.

- Christopher Walken (John Smith dans Dead-Zone-le-film, le cavalier sans tête dans Sleepy Hollow (encore un film de Tim !), le père du héros dans Attrape-moi si tu peux, le père de l'héroïne dans Hairspray, et citons encore Bienvenue dans la jungle, Wayne's world 2, Pulp Fiction, True Romance et Dangereusement vôtre (iih un James Bond !)) est Max Shreck, l'élégant et tout à fait fourbe homme d'affaires qui tente de tirer les ficelles dans l'ombre. De manière amusante, son personnage porte le même nom de l'acteur qui joua Nosferatu dans l'excellent et magnifique film du même nom par Friedrich Murnau.

 Un méchant capitaliste en costume provocant (et lunettes inutiles)

   Ze story :

   Flashback, il y a bien longtemps, dans les hauteurs fortunées de Gotham, où Mr Riche Personne (joué par Paul "Pee-Wee" Reubens) veille tandis que Mrs Riche Personne s'apprête à donner naissance au Premier Héritier. Ce qui devrait être un moment de joie et de bonheur se transforme pour eux en cauchemar quand il s'avère que l'enfant est difforme. Quand Premier Héritier transforme le chat de la famille en sushi, Mr et Mrs Riche Personne prennent la lourde (et ô combien sensée) décision de l'abandonner en le jetant à la baille. S'ensuit un générique sur fond d'égouts qui communique avec l'enclos des pingouins du zoo.

   Gotham, de nos jours, à l'époque de Noël (parce que les méchants et les tueurs en série, ça préfère gâcher les fêtes des quidams). Alors que tout le monde fait la fête, le sale capitaliste Max Shreck (joué par Christopher Walken, donc forcément méchant et fourbe) tente de fourbement construire une centrale électrique, tout en rembarrant sa secrétaire pour bien montrer qu'il est vilain. Cependant, il accepte de mettre ses manigances en veilleuse pour montrer au gotha de Gotham qu'il est bon et généreux (mais on ne nous la fait pas).

Pour ces dames et les autres, encore une petite photo de 
Max Shreck et son manteau de fourbe fourrure.

   Au beau milieu des célébrations, des tas de trucs explosent comme si Michael Bay était passé par là, et une bande de clowns déferle sur la ville. Heureusement, Bwousse Ouèyne n'a rien d'autre à faire qu'à attendre qu'on lui envoie le bat-signal, et en moins de temps qu'il nous faut pour dire "as-tu déjà dansé avec le diable au clair de lune ?", Batman se jette au secours de la population, dézingue du clown avec ses bat-gadgets et sauve une donzelle.  Cependant, les méchants kidnappent Max Shreck avec une trappe et l'amènent devant leur chef, l'abominable Pingouin, qui ne lui veut pas du bien et connaît tous ses noirs secrets (et Dieu sait qu'il en a, le bougre). Heureusement pour lui, Max Shreck est joué par Christopher Walken, et est donc rusé et maléfique à 110 %, et le Pingouin veut remonter à la surface, et en moins de temps qu'il ne me faut pour revenir sur mes fautes de frappe, les deux affreux concluent un marché.

   De son côté, Selina Kyle, retournée au bureau pour le boulot comme une assistante dévouée, met la main sur des informations qu'elle n'aurait pas dû voir, et se fait tomber dessus par Max Shreck, qui débarque dans un grand mouvement de cape (mais qu'espérer de quelqu'un qui s'appelle Max Shreck ?) et décide que le silence du tombeau sera une bonne alternative pour elle. Aussitôt dit, aussitôt fait, il défenestre la donzelle. Mais c'est compter sans la magie de Gotham ! (ou du scénario, allez savoir). Spoiler : grâce à des dizaines de chats des rues, dont les miaulements ressemblant étrangement à "fuu-sion !", Selina revient à la vie, pète une bonne douzaine de durites, se fait les griffes sur son imperméable qui se transforme miraculeusement en costume en vinyle (ça, c'est du talent de couturière, ou je veux bien manger cette chronique), et ainsi vêtue, s'en va courir les rues nantie de sa félinité toute neuve.

Why so serious ?

   Le lendemain, le plan de Max et du Pingouin se met en action : sauvant le bébé du maire kidnappé par un méchant clown acrobate, ce dernier se présente comme un sauveur et un simple individu à la recherche de son identité. Brousse Hyène se dit qu'il y a anguille sous roche et entreprend d'enquêter là-dessus, alors que les journalistes se jettent sur l'histoire du Pingouin-devenu-Oswald. Et Catwoman entreprend de botter quelques fesses machistes à grands coups de griffes et de tatane talonnée. Max, lui, continue d'avancer ses pions, et pousse l'homme-oiseau à se présenter comme maire, tout en poussant ses clowns à semer le chaos. C'est compter sans la chauve-souris et le chat qui vont lui mettre des bâtons dans les roues, chacun à sa manière.

 Mouais, c'est pas gagné...

   Pour résumer : nous avons dans Gotham un homme-pingouin, une femme-chat, un homme-chauve-souris, et un sale crabe capitaliste. Sans tout vous révéler parce que ça ne serait pas drôle, les quatre vont tenter mutuellement de faire équipe ou de s'éliminer, dans une compétition de poignardage dans le dos approuvée par Sean Bean. Quel animal régnera sur la ménagerie ? A part Batman, bien sûr, parce que c'est le héros !

 Exclusif ! Sur le tournage, Tim Burton porte des rideaux !

   Une petite analyse en détail :


   Image : encore une fois, c'est un film par Tim Burton, mais celui-ci est plus ambivalent. D'une certaine manière, on est toujours dans la vision de Timmy du technicolor à tout va, mais même comparé au précédent, le film est sombre, presque gothique. Gotham est une cité horriblement sale et hideuse, avec une atmosphère oppressante, les éclairages sont parfois rares (j'en veux pour preuve cette scène où Bruce attend tout seul dans l'obscurité de son manoir, uniquement éclairé par un projecteur bleu). En fait, les plans de la ville, des égouts, et d'autres endroits tout moches sont rendus encore plus laids et effrayants par le contraste avec les couleurs vives de Noël, et la neige qui recouvre tout. Une bonne maîtrise des couleurs et contrastes.
Et pour compléter le tout, Timmy nous rajoute une nouvelle fois une couche de sa peur des clowns et du cirque en général, avec, après le Joker, des méchants habillés comme des clowns victoriens qui se montrent à la fois grotesques et proprement terrifiants. J'en toucherai encore deux mots un petit peu plus loin.

 Je cède à l'intense pression pour vous donner une minute fanservice tout en cuir 
(mais avec Catwoman, c'est pas difficile).

   Musique : encore une fois, c'est son comparse de toujours Danny Elfman qui s'y remet, avec sa classe habituelle. On y retrouve le fameux thème de Batman cher à nos oreilles, et une partition un toouuut petit peu moins inspirée que celle du précédent, mais ça c'est juste parce que j'ai un faible pour le thème du Joker. Dans l'ensemble, c'est un très bon accompagnement.

   Interprétation : et c'est là que je m'en donne à coeur joie. Michael Keaton tient toujours très bien le rôle du play-boy chauve-souris, y ajoutant cette fois-ci une dimension de blessure dans son for intérieur et de solitude jouée avec une grande sensibilité, on en aurait pitié de lui. Michael Gough est toujours égal à lui-même, en majordome flegmatique et anglais, et en profite pour se tailler discrètement quelques bonnes répliques sarcastiques (et c'est pour ça qu'on l'aime).
   Michelle Pfeiffer se montre éblouissante dans le double rôle Selina Kyle / Catwoman (si je puis dire). Jouant la dinde un peu nunuche dans le premier, elle nous livre un passage de folie (et de couture) convaincant, pour habiller ensuite son personnage de femme-chat d'une séduction certaine, ainsi que d'une grâce pétillante et d'attitudes félines bien loin des délires surjoués du film Catwoman qui donnaient l'impression qu'Halle Berry sniffe de l'herbe à chats, pour napper tout ça d'une légère couche de pétage de plomb qui lui permet de jouer à fond les manettes avec délectation. 
Christopher Walken se montre un capitaliste corrompu plus vrai que nature, suave, fourbe et manipulateur, mais peut-être que son beau visage, assorti de son regard froid comme l'acier et de ses cheveux blancs contribuent à cette séduction vénéneuse que lui envierait Poison Ivy. En bref, il fait le Christopher Walken.
   Quant à mon chouchou du film, mon préféré, c'est bien sûr Danny de Vito. Tous ceux qui l'ont vu dans l'un de ses autres films se le rappelle certainement comme un très bon acteur, certes, mais petit, rondouillard et débonnaire, avec une bonne bouille. Disons-le tout net, il est méconnaissable. Pâle, avec des yeux cernés, un nez en bec, le maquillage, effrayant pour l'époque et que Tim avait tenu à garder secret jusqu'à la sortie du film, reste encore très efficace. Ajoutez à ça que de Vito en rajoute dans le registre plombé de la cafetière, et que c'est son talent qui permet à tout ça de tenir ensemble, donnant même au personnage un côté triste, voire pathétique. Avec lui, des scènes qui avec pratiquement n'importe qui d'autre seraient ridicules, laissent en bouche une légère amertume, voire un sentiment de malaise. Vous ne verrez plus de la même manière les petits manèges-voitures des supermarchés.

No ! I am the Batman !
(explication de la blague ici)

   L'avis de la pro :

   Je ne me cache absolument pas que ce Batman est mon préféré de toute la série, et pas uniquement parce qu'il est réalisé par Tim Burton. Même si ça joue. Comme dit précédemment, le côté sombre, oppressant et pour tout dire déprimant de cet opus par rapport au précédent aide à emporter l'adhésion. Ce côté sombre et angoissant est dû à Tim, à qui on a promis de laisser toute liberté créatrice s'il consentait à revenir occuper le fauteuil du réalisateur, et qui s'en est donné à coeur joie, boostant le gothique autant que possible sans tomber dans le film d'horreur. Il fait ce qu'il aime, et ça se sent. Le premier film, comparé au comic, a été déclaré par le Ming, Empereur de la Lune comme trop léger et trop coloré, je suppose que voici qui rectifie le tir.
   (Anecdote : le film a été vendu comme le précédent, à destination des familles et enfants, avec le marketing qui s'impose, y compris des jouets dans les Happy Meal. Autant dire qu'ils ont vite changé de cible.)

   Mais une bonne atmosphère, ça ne fait pas tout, même si ça joue beaucoup. Prenons les personnages. Ils se montrent surprenamment complexes, ce qui n'est pas étonnant quand on parle de Timmy, de Batman ou des deux ensemble, mais tout de même. Dans ce Batman, il n'y a pas de gentil très gentil ou de méchant très méchant, contrairement au premier où, alors que l'homme chauve-souris faisait peur aux bandits et avait des méthodes discutables, le Joker était purement et simplement méchant pour le fun (et probablement la folie). Là, Batman est un héros aux yeux de Gotham, mais il est également solitaire par défaut (Vicky Vale a mis les voiles) et reste enfermé dans sa tour d'ivoire avec le bon Alfred pour unique compagnie. Max Shreck est un sale méchant riche, mais présente une ou deux petites scènes le rachetant (pas de beaucoup, je vous rassure). Le Pingouin se présente moins comme un méchant très méchant, et davantage comme une créature pathétique cherchant qui il est, et on le prendrait presque en pitié. Quant à Catwoman, difficile de savoir si elle est du côté du Bien ou du Mal, son actrice ayant elle-même révélé qu'elle n'en savait trop rien. Ces personnages qui sortent des cases manichéennes de la superproduction de base amènent une complexité intéressante à l'ensemble du film.

Le jeu du chat et de la (chauve-)souris

   Un parallèle intéressant existe d'ailleurs entre les différents protagonistes et Batman. Chacun d'entre eux représente l'un des aspects de l'homme chauve-souris. Max Shreck représente son côté play-boy milliardaire richissime, le Pingouin correspond à l'orphelin, et Catwoman est son côté créature masquée de la nuit. D'intéressantes comparaisons, qui participent à cette complexité de personnages, de relations, et qui nous permet de voir qu'entre le chevalier noir et ses ennemis, il n'y a souvent qu'un pas qu'il lui serait facile de franchir...

- Catwoman, ice to meet you.
- Bon, tu sors...

   Nous avons donc une atmosphère tout à fait sombre, une direction artistique assurée, des acteurs qui assurent grave et qui sont vraiment bien dirigés (en 1992, Timmy connaissait déjà son boulot), une musique intéressante, des décors crades, un Pingouin, le canard tueur de l'Etrange Noël de Mr Jack (je ne résiste pas), et qu'est-ce que ça nous donne ? Ce Batman, qui nous laisse un goût doux-amer en bouche. Le chevalier noir fait régner la justice dans Gotham, mais ceux qui en subissent le joug le méritent-ils vraiment ? (oui, mais là n'est pas la question). Je pense que le côté pathétique du Pingouin, cette interrogation dont on ne sait pas si elle est tout à fait sincère, l'ambiguité de Catwoman, et ce Batman blessé dans son âme, permettent à ce film de transcender la structure du Batman telle qu'on ne la verra que trop (le bon Batman héros de Gotham qui fait régner la justice contre d'horribles méchants pas bô) dans les deux Batman suivants.

   En bref, un très bon cru. Conseillé aux amateurs de Batman, de Burton, de Danny de Vito, de super-héros, et tous ceux qui veulent voir un bon film, bien sûr !

   Note : 18/20

   Chronique réalisée avec l'aimable participation du Muffinman !

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