jeudi 19 janvier 2012

Bunraku

   20h00. Je ne connais pas encore Bunraku. Je suis encore saine d'esprit, enfin ce qu'il en reste. 20h30. C'est le début. Adieu cerveau et tout le reste. Et comme je suis une méchante, et qu'on m'a fait voir ce truc mange-cerveau, je tente à mon tour de le faire regarder à d'autres, pour continuer la chaîne de mangeage de cerveaux.

  
   Bunraku, c'est un ovni. C'est bizarre. Etrange, même. Je pense que tenter de classer ce film dans une jolie petite boîte revient à tenter de visser un clou avec une sardine : non seulement ça ne marche pas, mais en plus on en a plein les doigts. Je pense que quelques mots de présentation permettront d'y voir plus clair, et vous pousseront tous vers vos supermarchés habituels pour faire une provision de Bunraku et les regarder jusqu'à usure.
   Réalisé par un certain Guy Moshe, Grand Inconnu devant l'Eternel puisque ce n'est que son second long-métrage et que je ne connais pas le premier, ce film est sorti en 2010 sous le film Bunraku - les vengeurs. On se demande encore comment, mais Guy a réussi à s'entourer d'un sacrée bande de zèbres, et pas des moindres.

   Les zèbres et pas des moindres :

- Josh Hartnett (le héros de 30 jours de nuit, celui de The Faculty, Slevin dans Slevin, le fils de Laurie dans Halloween - 20 ans après, et il était également dans La Chute du Faucon Noir, dans Pearl Harbor et dans le Dahlia Noir) est the Drifter. Nul ne sait d'où il vient, c'est l'Etranger qui arrive dans une drôle de ville, il a un beau chapeau qui fait du bruit quand il passe les doigts sur le bord, des poings dont il sait se servir, et il est prêt à tout pour obtenir ce qu'il veut...

Il est beau et ténébreux, et c'est le héros. Pour vous, mesdames (et Gackt) (et messieurs aussi, hein, comme ça, pas d'jaloux !).

- Gackt (LE Gackt, celui-là même qui chante dans des groupes différents dont un qui porte son nom, qui a servi de modèle à au moins un personnage de Final Fantasy (Genesis), et qui est trop trop beau d'après la personne qui est à côté de moi et qui insiste pour que je le note) est Yoshi. Pas le petit dinosaure vert, un autre Yoshi. Une sorte de samouraï sans sabre qui débarque pour retrouver un objet précieux, et qui lui aussi est prêt à jouer de la tatane pour se frayer un chemin.

- Woody Harrelson (Mickey Knox dans Natural Born Killers, Tallahassee dans Bienvenue à Zombieland, le scientifique allumé dans 2012,     l'agent du FBI ou un truc du genre dans No country for old men, et l'agent du FBI certifié dans Coup d'Eclat, et ajoutons encore Money Train for the fun) est The Bartender. Comme son nom l'indique, il tient un bar. Il oriente les différents voyageurs qui viennent chercher vengeance, et peut-être qu'il tire un tout petit peu les ficelles pour son propre compte (mais un tout petit peu).

- Ron Perlman (Reinhardt dans Blade II, Hellboy dans Hellboy I et II, le père de Conan dans Conan Reloaded, One dans La cité des enfants perdus, Salvatore dans Le Nom de la Rose, Felson dans le Dernier des Templiers (parce que j'ai bien rigolé) et la Guerre du Feu) est Nicola le Bûcheron, l'homme le plus dangereux à l'est de l'Atlantique. Dit comme ça, ça fait neuneu. Mais il fait peur. C'est le grand méchant. C'est pas un spoiler, c'est dit au début. Il est trop fort, trop cool, et il se rase avec une hache, ce qui nous fait comprendre qu'il est vraiment trop fort. Ceci sera rappelé à intervalles réguliers. 

Pourquoi ai-je de la paille dans mes manches ? Et un filtre jaune ?
C'est toujours moins pire que Natural Born Killers, ceci dit...


- Demi Moore (Molly dans Ghost, Madison Lee dans Charlie et ses drôles de dames 2, et je vous laisse compléter le reste, parce que je ne les ai pas vus, ses autres films) est Alexandra, une prostituée, et la favorite de Nicola le bûcheron. On ne la voit pas beaucoup, mais elle réussit quand même à causer des acouphènes et à dire à Nicola le bûcheron (je ne m'en lasse pas) qu'elle le hait, mais qu'elle l'aime. Le principe du "elle l'aime donc elle l'aime pas donc elle l'aime". C'est complexe.

- Kevin McKidd (Tommy dans Trainspotting, un red shirt dans Kingdom of heaven, Petras dans Hannibal - les origines du Mal, Lucius Vorenus dans la série Rome, et Poseidon dans Percy Jackson, le voleur de foudre, ce qui fait un dieu grec avec un accent écossais. Le métissage dépasse les frontières) est N°2. C'est un tueur. Le presque meilleur tueur, parce que Nicola le bûcheron est trop fort, et c'est lui, le n°1. Sinon, il est albinos, il a les oreilles sensibles, et une canne-épée qui est trop classe et pas clichée, enfin allons. Et il tue des gens.

Le bon, la brute, le truand (dans le désordre)

   Abordons maintenant le plus dur :

   Le résumé :

   Dans un lointain pays et un temps tout aussi lointain, où le principal hobby des gens, raconté à travers un beau générique tout poétique, est de se faire passer de vie à trépas, la dictature règne. Tout le monde est sous la coupe des Numéros, qui eux-mêmes sont aux ordres de Nicola le bûcheron. Comme il se doit dans une dictature, personne n'a rien le droit de faire, de porter, surtout pas des armes, et la justice n'est qu'un joli mot qu'on utilise pour envoyer les enfants se coucher.

   En ces temps troublés arrivent en ville deux étrangers. L'un des deux, The Drifter, s'empresse d'aller chercher la bagarre dans un bar tenu par un certain barman. Le barman, sentant la fin de son bar proche, s'empresse de jouer l'homme sage, regarde The Drifter mettre la pâtée à quelques blaireaux de seconde zone, et l'oriente vers Nicola le bûcheron (qui est trop fort).

   Dans le même temps, Yoshi arrive au restaurant de son oncle. Il est à la recherche d'un mystérieux médaillon, comme son père lui a demandé avant de mourir. Son oncle tente de le ramener à la raison, mais voilà-t-y pas que débarquent des voyous qui cherchent la bagarre (ça doit être une épidémie). Yoshi fait des sushis des méchants en deux temps, trois mouvements, et se fait jeter dehors par son oncle aussi vite.

 Point de dinosaure vert, bande de geeks. Yoshi a un gros sabre, et il n'a pas peur de s'en servir ! (réalisé sans trucage, comme les scènes de Matrix Reloaded). (et ça s'agrandit quand on clique dessus !)

   Par un heureux hasard, et le fait que The Drifter n'a pas un rond et ne peut pas aller battre des gens au poker, Yoshi, qui cherche des renseignements sur, vous l'aurez deviné, Nicola le bûcheron trop fort, et lui se retrouvent à nouveau dans le bar. Et comme il se doit quand deux individus 1) forts, 2) bagarreurs et 3) tête brûlée se retrouvent dans le même endroit, ils entreprennent de s'en mettre plein la tronche. Yoshi entreprend ensuite de taper sur quelques policiers, et bien sûr finit en prison. Il est pas très fûté. Du coup, The Drifter prend sur lui d'aller le sauver (poussé par Woody le barman). Insérez ici une séquence cool.

   D'une manière mystérieuse (qui n'a rien à voir avec les poches d'autrui), The Drifter se retrouve soudain avec la somme nécessaire pour entrer dans la partie de poker et affronter Nicola le bûcheron, ainsi qu'un certain nombre d'autres notables, ce qui lui permet de récupérer des Informations. Toujours poussés par le barman-homme-sage, Yoshi et The Drifter vont alors joindre leurs forces pour combattre le Mal et accomplir leurs buts respectifs dans une débauche de sang et de scènes d'action.

 La méthode Palpatine pour faire perdre toute prestance à un adversaire 
en un seul mouvement marche toujours aussi bien.

   La dissection :

   Image : d'un point de vue visuel, Bunraku est en tous points l'OVNI que j'avais prévu de voir atterrir sur mon écran. A force de décors géométriques, de couleurs vives, de lieux étranges s'enchaînant les uns les autres, on a l'impression de voir une drôle de pièce de théâtre, d'où jaillissent des personnages tous plus étranges les uns que les autres. Les transitions entre les différentes scènes sont elles aussi originales, comme de plonger dans un oeil pour révéler un paysage et autres tours de passe-passe. Certaines scènes, au contraire, distillent un parfum de théâtre d'ombres, ou de jeux vidéo, tout ça dans une joyeuse salade où on ne sait plus très bien ce qu'on regarde (sisi, Bunraku). Bonus : la caméra est parfaitement stable et ne tremble pas. Encore heureux, sinon ç'aurait été aussi clair que les côtes anglaises un jour de brouillard.

 Ce ne sont pas les méchants qui dansent dans Gamer, mais Mr. 2 et sa bande de bras (bientôt) cassés.

   Musique : signée par Terence Blanchard, trompettiste de renommée mondiale et compositeur très prolifique, il a réalisé nombre de BOs, comme pour La 25e heure, Malcolm X, et une floppée de téléfilms et de séries. Dans Bunraku, la musique est très discrète, à tel point qu'elle se ferait presque oublier. Sauf dans certains passages, où elle prend soudain les tons de musique de borne d'arcade, ou elle devient épique pour souligner une scène particulièrement impressionnante. Une bonne petite BO.

   Interprétation : il est difficile de juger l'interprétation dans Bunraku, étant donné le méli-mélo qui y règne, et un certain second degré qui plane. Dans l'ensemble, truands et héros sont bien dans leur rôle et nous laissent y croire avec délectation. Ron Perlman, loin toutefois de ses prestations de Hellboy et Blade II, se laisse désirer dans des scènes où il déblatère principalement de tout et de rien, nous fournissant une performance nous laissant un peu sur notre faim. Jusqu'à la fin, où il nous montre qui c'est, le plus fort, et qui c'est qui joue bien. De son côté, Gackt, d'après mes référentes qui l'ont vu ailleurs, a bien amélioré son jeu, bien qu'on ne lui demande que des choses qu'il sache déjà faire (bouh ! les mauvaises langues !), et se montre un bon choix pour un jeune samouraï égaré, quand bien même ce jeune samouraï de vingt ans, en paraît trente. Ceci dit, Gackt atteigant les quarante ans et ne les faisant pas du tout, hein... (c'était la minute potins). D'autant plus qu'il s'y connaît en une tripotée d'arts martiaux, ce qui rend ses scènes d'action particulièrement délectables. Enfin, Kevin McKidd, qui déjà nous donnait une performance pas piquée des hannetons dans Trainspotting, campe ici un assassin qui n'a plus une seule vis d'ajustée dans la cervelle, et sa performance aurait de quoi mettre mal à l'aise plus d'un spectateur sensible.
A noter que j'ai vu, et que je conseille de voir, ce film en anglais (avec sous-titres, on est pas des brutes, quand même). C'en est d'autant plus agréable que de pouvoir profiter de l'épais accent écossais de Kevin McKidd, et de l'accent japonais de Gackt à qui on avait d'ailleurs demandé de l'exagérer.

 The faces of true love. Seriously.

   Le point critique :

   Alors, qu'en ressort-il, de ce mélange ? C'est comme le riz aux poireaux de Christine (ha ha, take that, Gackt-fangirl ! :p). Quand ça arrive sur la table, on se dit que c'est bizarre et que ça va avoir un goût de bizarre, et en fait, c'est super bon. Bunraku, c'est pareil. On se demande ce qu'un film pareil va pouvoir donner, et en fait, c'est super.

   Mais je vous vois, avec vos grands yeux brillants, me demander "diiiiis, oncle Wilwy, c'est quoi, un bunraku ?". Pour vous éviter la peine de devoir chercher sur Google, je vais vous expliquer. Le bunraku est une forme de théâtre japonais vieille de 400 ans, impliquant des marionnettes de grande taille manipulée par plusieurs personnes, interprétant une histoire racontée par un narrateur. Dans Bunraku, outre les décors colorés qui donnent une impression de pièce de théâtre, on retrouve un narrateur, des éléments qui montent et descendent, des jeux d'ombres, une atmosphère vraiment particulière à laquelle les films dont nous nous nourissons habituellement ne nous a pas habituée.

   En fait, comme je l'ai répété, Bunraku, c'est une salade. Prenez une bonne base de théâtre japonais. Ajoutez du film noir, avec des bandes de truands faisant régner leur loi sur une ville corrompue et un héros à chapeau, ajoutez-y une pincée de film de samouraï avec un samouraï sans sabre venu régler des comptes, nappez le tout d'une sauce de films de la veine Pour une poignée de dollars / Yojimbô où l'étranger arrive en ville et sème le chaos, mélangez tout ça avec quelques influences étonnament modernes comme des jeux vidéo, liez enfin avec une bonne dose d'humour, des scènes d'action étonnantes et particulièrement bien chorégraphiées, des personnages hauts en couleur, des plans étranges (le plan du carembolage reste ancré dans ma mémoire), et laissez reposer deux bonnes heures avant de servir.

 Ceci n'est pas un hippie sur le retour, mais Nicola le bûcheron. Il est trop fort. Rappelons-le.
(et il a l'air de vachement s'ennuyer... It's lonely at the top !)

   En guise de conclusion, je tire mon chapeau à Guy Moshe, qui a su avec un brio incomparable réunir des acteurs aussi disparates (dont certains qui voulaient travailler avec lui après avoir vu son premier film), et de réussir à nous donner un film tout ce qu'il y a de plus fantasque et fantastique à partir d'éléments aussi divers. Une grande réussite.

   A voir tout seul ou en bonne compagnie, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Recommandé pour les fans des films d'étranger solitaire, de films noirs, de films bizarres (surtout de films bizarres), de Gackt (parce qu'il joue bien, me souligne-t-on), des autres, et tous ceux qui veulent passer un bon moment devant un film pas comme un autre.

   Note : 17/20


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