lundi 19 décembre 2011

Soleil Rouge

   Dans notre quête du film qu'on ne connaît pas et qu'on va continuer à découvrir, voici aujourd'hui un petit western. Bien que le western soit plus ou moins tombé en désuétude il y a de cela une bonne poignée d'années, c'est toujours jouissif de voir des hommes à la tronche minérale chevaucher à travers la poussière, une main sur le colt et l'autre tenant les rênes d'une poigne de fer (et dans le cas de John Wayne, s'en sortir sans un grain de poussière), de les regarder abattre les méchants par paquets de douze et faire triompher la loi et le bon droit (John Wayne, Roy Rogers, ...) ou leurs intérêts personnels (Clint Eastwood en est un bon exemple). Généralement, il y a toujours un héros solitaire, un méchant habillé tout de noir et d'argent, des Indiens et la cavalerie, ou des Mexicains, le tout sur une musique héroïque. Maintenant que les bases sont bien posées, amusons-nous à shooter dedans avec le western que nous allons décortiquer aujourd'hui : Soleil rouge. 



   Soleil Rouge, c'est une sorte d'OVNI dans le monde du western. Réalisé par Terence Young, un réalisateur anglais né en Chine (ce détail aura son importance), qui a également réalisé trois James Bond (James Bond contre Dr No, Bons baisers de Russie et Opération Tonnerre) et Cosa Nostra, et sorti en 1971, c'est un véritable melting-pot.

   Le melting pot :

- Charles Bronson (Il était une fois dans l'Ouest, la Grande Evasion, Les douze salopards, les Sept Mercenaires, la série des Justicier dans la ville, ...) est Link Stuart, un bandit de petit chemin. Comme les bons héros de westerns, il n'est pas très honnête, pas très loyal et pas trop du côté des gentils. Mais comme le dit si bien Ghosts of Mars, le BIen va s'allier au Mal pour combattre le Pire. Je vous laisse savourer cette perle de sagesse tandis qu'on passe à...

Qu'est-ce que je fais dans cette galère neige ? Avec un sabre ? De plus en plus curieux...

- Tôshiro Mifune (les Sept Samouraïs, Rashômon, Yôjimbo, Le Château de l'Araignée, et tellement d'autres films que le serveur exploserait si j'en faisait la liste) incarne Kuroda Jubie, un samouraï au service de l'empereur du Japon. Il est pétri d'honneur et de droiture, et passerait bien son sabre au travers de Link, parce que bon, faut pas exagérer, les rustres, ça va cinq minutes...

- Alain Delon (Le Samouraï, le Guépard, le Clan des Siciliens, Borsalino, et une liste de films qui font les régals de l'excellent site Nanarland) est Gauche, le truand de la Nouvelle-Orléans. Lui, il est fourbe, la preuve, il a un chapeau noir, des vêtements noirs, et c'est un mangeur de grenouilles. Bon, accessoirement, il a la trahison dans le sang, mais n'anticipons pas. En hollywoodien dans le texte, d'ailleurs, il est cajun, donc français, on va pas ergoter.

- Ursula Andress (James Bond contre Dr No, les Tribulations d'un Chinois en Chine, Casino Royale, le Choc des Titans, la Caverne de la Rose d'or) est Cristina, une prostituée au coeur d'or. Comprendre par là qu'elle n'aime que les sous, et peut-être Gauche aussi parce que bon, c'est Alain Delon. Elle aimerait bien mettre la main sur un magot, mais jouer sur plusieurs tableaux ne lui fait pas peur. 

Hum, toute cette classe...

   Et les autres, je ne les connais pas.

   Le résumé :


   Scène typique de la vie américaine telle qu'on la voit dans les westerns : l'attaque du train par les vilains bandits. En plus, les vilains bandits sont menés par Alain Delon et Charles Bronson, alors c'est tout bonus. Mais comme chaque fois qu'un film montre une attaque de train, il y a un os dans le potage. Ici, l'os en question consiste en la présence, à bord, d'un ambassadeur de l'empereur du Japon envoyé à la rencontre du président, pour lui remettre un présent de la part de son seigneur, et ses gardes du corps (à l'ambassadeur, pas au présent). Gauche, bien intéressé par tout ce qui peut être transformé en une bonne poignée d'argent, tue l'un des gardes, trahit, et s'enfuit avec les hommes et le butin.

   Bien sûr, Charles Bronson se fait capturer par le garde restant, et étant donné qu'il connaît Gauche, se voit proposer le choix suivant : soit il emmène Kuroda-le-garde avec lui, soit il se retrouve avec cinquante centimètres d'acier en travers du corps. Le choix n'est pas si difficile, surtout que Link-Charles veut se venger d'Alain Delon parce que c'est un sale traître de Français (et qu'il a de plus beaux yeux, quoique ce point reste à discuter). Les voilà ainsi partis à la recherche de Gauche et du sabre qu'il a volé.

   Vous l'aurez deviné, Link et Kuroda ne s'entendent pas. Mais alors pas du tout. Comme toujours quand il s'agit d'un film mettant côte à côte deux individus venant de cultures différentes, mais on est pas là pour épiloguer sur le buddy movie. Tout ce que veut Link, c'est tirer les oreilles de Gauche et récupérer sa part du butin. Tout ce que veut Kuroda, c'est l'ouvrir comme un lapin et récupérer le sabre de l'empereur avant la limite des sept jours qui lui a été donnée, sous peine de devoir, lui, s'ouvrir comme un cochon-tirelire (et Link avec, sinon c'est pas drôle). 

Cette chronique mérite d'être environ 20% plus cool avec une photo d'Alain Delon et Toshirô Mifune.

   Il y a une chose à ne pas oublier : outre lâche et gaucher, Gauche Delon est français. Et donc, dans l'optique du cinéma, c'est un coureur de femmes. En particulier, une femme bien précise, Cristina, qu'il ira sûrement retrouver. Donc plutôt que de se fatiguer, Link emmène Kuroda jusqu'à une petite ville dont j'ai oublié le nom, pour attendre au bordel que Gauche revienne chercher sa girl. S'ensuit une scène de forge d'amitié fraternelle forte et fusionnelle, parce que rien ne rapproche plus les hommes que d'aller aux putes, tout le monde le sait (ciel, voilà que je dis des gros mots).

   Mais hélas, Gauche ne se montre pas en personne. Par contre, il envoie ses sbires, ce qui nous donne une belle scène de combat à la fois avec des flingues et un sabre. Rendez-vous est pris avec Gauche par l'intermédiaire du dernier homme de main vivant, pour faire un échange : le sabre contre Cristina. Et ainsi, les voilà tous partis, Link, Kuroda et Cristina, à la rencontre de Gauche. Mais les choses ne vont pas se dérouler comme prévu, surtout que comme dans tous les westerns ou presque, les Indiens rôdent...

La minute fanservice "drap de lit et Charles Bronson" vous est offerte par Ursula Andress.

   Le reste :

   Image : aaaah, la bonne manière de filmer des années pré-caméra épileptique ! Des plans fixes d'une longueur supérieure à deux secondes, des travellings lents, ce genre de friandises. Comme beaucoup de westerns de l'époque, il a été filmé en Espagne, et on a droit à de larges plans panoramiques des décors désertiques balayés par le vent. Et en bonus, on a de la neige. (Et en double bonus, on a Ursula Andress en manteau de fourrure et Toshirô Mifune en sous-vêtements, mais je m'égare-Montparnasse (ha ha).) C'est très agréable à l'oeil, si on excepte le sang rouge fluo, mais bon, hein, on ne peut pas toujours avoir ce qu'on veut.

   Musique : elle a été réalisée par Maurice Jarre, qui en a signé des kilos et pas des moindres, comme Lawrence d'Arabie, Dr Jivago, le Cercle des Poètes disparus, l'Echelle de Jacob, Ghost, Mad Max II, et une sacrée quantité d'autres, elle se fond bien avec l'action, sans pour autant m'avoir laissé un souvenir impérissable. Mais bon, hein, c'est Maurice Jarre, alors hein !

   Interprétation : autant vous dire, c'est du haut niveau. Face à face, on a Charles Bronson tout à fait à l'aise dans ses bottes de vilain cow-boy truand pas si méchant, Toshirô Mifune qui incarne à merveille le samouraï digne et droit comme la justice prêt à donner sa vie pour l'honneur, Alain Delon en fourbe cajun qui distille avec une science appliquée son charme de Français, et Ursula Andress qui joue son rôle de prostituée prête à tout pour arriver à ses fins avec une délectation visible. Même le doublage français n'arrive pas à diminuer la classe immense de Toshirô Mifune, ni d'ailleurs celle des autres, hein, ne faisons pas de jaloux. Mais j'ai un faible pour lui quand même.
   (Le détail amusant : on a ici un des Sept Samouraïs, et un des Sept Mercenaires (l'un étant tiré de l'autre). C'est la classe.)

Vous reprendrez bien un peu d'Alain Delon et d'Ursula Andress ?

   L'arrêt-critique :

   Soleil Rouge, c'est vraiment un western pas comme les autres. Vous vous en serez bien sûr doutés. Un western réalisé par un Anglais, en Espagne, avec un acteur américain (Bronson), un acteur japonais (Mifune), un acteur français (Delon) et une actrice suisse (Andress), autant dire que déjà, c'est pas de l'habituel. Sur une histoire de western plus ou moins basique (le héros est trahi par quelqu'un qu'il croyait son ami / allié, il le poursuit et cherche vengeance), et des personnages stéréotypés (le héros bandit mais pas trop quand même, le joueur de cartes félon de la Nouvelle-Orléans, la prostituée exubérante), on ajoute une couche de "rencontre choc entre deux cultures", comme dans beaucoup de films qui ont tenté l'expérience avec plus ou moins de succès.
   Ici, la différence entre les cultures donnant lieu à un certain nombre de blagues comme on s'y attend, est cependant soutenue par deux acteurs de très grand talent. Je ne répéterai jamais assez à quel point Toshirô Mifune est parfait dans le rôle de l'envoyé de l'empereur prêt à tailler des oreilles en pointe pour récupérer le sabre. Cet acteur est grand. Et Charles Bronson aussi, avec son regard impitoyable dans son visage buriné parfait pour un truand. La rencontre entre les deux se traduit par beaucoup de classe à l'écran, des situations bien marrantes mieux maniées que la moyenne de ce genre de films, et des répliques frappées au coin de l'humour.

   Pour résumer, il s'agit d'un bon western, avec un samouraï jeté dans le lot. Conseillé pour les amateurs du genre, ceux qui aiment les films un peu anciens, les fans d'Alain Delon et ses yeux bleus, ceux qui aiment Toshirô Mifune et/ou le cinéma japonais, de Charles Bronson, et ceux qui ont envie de passer un bon moment ! 

Ca se passe de commentaires !

   La note : 16/20

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