mardi 25 octobre 2011

Les Trois Mousquetaires

   Attention, attention, on s'attaque à une drôle de chose. Hier soir, titillée par une bande-annonce hallucinante et hallucinée, je me suis rendue dans mon cinéma local pour voir cette oeuvre de la littérature française repassée à la moulinette du cinéma moderne : les Trois Mousquetaires.


   Autant dire que j'en suis ressortie ravie, ce billet n'aura pas été gaspillé. Comment décrire cette création qui a dû être issue de réunions enfumées ? En quelques mots : il s'agit de l'histoire des Trois Mousquetaires, lourdement revue, corrigée, émincée, assaisonnée à la sauce clockwork punk.

   Je sens que vous me regardez tous avec de grands yeux. "Dis nous, oncle Wilwy, c'est quoi du clockwork punk ?" Oncle Wilwy n'en ayant pas la moindre idée, se tourne vers l'Internet, grande divinité savante devant l'Eternel Ordinateur, qui en donne la définition suivante : il s'agit de fiction spéculative qui prend place avant la révolution industrielle. Les engrenages et les machineries prédominent tous les appareillages portatifs ou importants. (Pour plus de renseignements, direction TvTropes.)

Ca commence bien.

   Alors, qui qui est coupable de cet OVNI ? Réalisé par Paul Anderson, qui a réalisé les Resident Evil, Course à mort, Even Horizon, Alien vs. Predator et Mortal Kombat, on est en droit de s'attendre à quelque chose qui secoue. Et en effet, on a vaguement l'impression qu'il a lu une version Reader's Digest des Trois Mousquetaires, et que, arrivé à la moitié, il a laissé tomber pour se demander comment ajouter de l'action, des répliques qui font mouche, des faisages de caisse, des bateaux volants, des ninjas, et ficeler tout ça pour en faire un film 100% hollywoodien. Rassurez-vous, le ramage est à la hauteur du plumage.

   Qui qui s'est fait embarquer dedans ?

   Autant dire, il y a du monde :

- Logan Lerman (alias Percy Jackson le voleur de foudre, alias le fiston dans 3h10 pour Yuma, alias Simon dans Ultimate Gamer) est d'Artagnan, le vaillant campagnard monté à Paris pour faire bon usage de sa rapière et devenir Mousquetaire pour faire respecter la Loi et tout ça.

- Matthew MacFadyen (le shériff de Nottingham dans Robin des Bois : Origins, et Mr Darcy dans Orgueil et Préjugés (sans zombies)) est Athos, mais est-il besoin de les présenter ? Il a malencontreusement noyé son talent de bretteur et sa casaque bleue dans de l'alcool de mauvaise qualité, et désespère de trouver une cause à défendre.

Le bon, la brute, le truand et... bah D'Artagnan, quoi.
(de gauche à droite : Athos, D'Artagnan, Porthos et Aramis)

- Ray Stevenson (Volstagg dans Thor, Roger Wesley le garde du corps dans Very Bad Cops, Redridge dans Le livre d'Eli, mais pas moyen de voir qui c'est, et Frank Castle dans Punisher : Warzone) interprète tout en hauteur, en largeur, et en force brute, Porthos, le second mousquetaire éponyme, qui trompe son ennui en se faisant entretenir.

- Luke Evans (Apollon dans le Choc des Titans) incarne Aramis, le troisième des mousquetaires, dévôt et désabusé comme les autres. Il occupe ses journées de non-mousquetérage en mettant des amendes aux gens qui sont mal stationnés.

- Milla Jovovich (Alice dans la série Resident Evil, Jeanne d'Arc dans le film du même nom, Leeloo dans le cinquième Elément, Violet dans Ultraviolet) est Milady de Winters. Oubliez la dame du roman, place aux ninjas ! A croire que ce soit une clause obligatoire de son contrat qu'elle doive éviter des projectiles en faisant des acrobaties au ralenti...

- Christoph Waltz (principalement connu pour sa prestation de Hans Landa dans Inglorious Bastards, ainsi que dans Green Hornet et De l'eau pour des éléphants) incarne le vil Armand Jean du Plessis, cardinal-duc de Richelieu et de Fronsac, "Votre Eminence" pour aller plus vite, qui CONSPIRE pour récupérer le royaume des mains du roi qu'il trouve beaucoup trop incompétent. 

Alors moi, je suis le méchant...

- Orlando Bloom (Will Turner dans Pirates des Caraïbes, Paris dans Troie, Legolas dans le Seigneur des Anneaux) est le duc de Buckingham, l'envoyé félon d'Outre-Manche, le fichu mangeur de pudding, et accessoirement l'émissaire du roi Jacques, pour conduire les négociations de paix entre la France et la Perfide Albion.

- Freddie Fox (que je n'ai vu nulle part) interprète le roi de France Louis XIII, dont les principaux soucis sont de conduire les négociations de manière correcte, et de ne pas voir son royal front s'orner des cornes du cocufiage. Et de ne pas être à la ramasse en matière de vêtements par rapport à Buckingham, ajoute mon frangin.

- Juno Temple (elle était dans Mr Nobody et c'est tout ce que je sais) est la reine Anne, épouse du précédent, qui compte bien empêcher son cher époux de se laisser marcher sur les pieds par son Eminence Grise en rouge.

- Gabriella Wood (qui à peu de choses près fait ses débuts sur le grand écran) joue Constance Bonacieux, une des dames de compagnie de la Reine, qui attire l'oeil de D'Artagnan et tente de résister à ses techniques de drague de paysan.

   Ils sont tous bien nombreux, mais citons encore Dexter Fletcher qui a déjà été cité ici (Arnaque, Crime et botanique, Stardust, etc...), Til Schweiger (Lucky Luke, Inglorious Bastards) et Mads Mikkelsen (Le Choc des Titans, Casino Royale).

Et moi une ninja, hein, tant qu'à faire.

   Le résumé :

   Bien sûr, tout le monde connaît l'histoire des Trois Mousquetaires. Mais qu'en reste-t-il dans cette oeuvre ? Les grandes lignes sont conservées, mais dessus sont greffés toutes sortes d'éléments qui pourraient surprendre tout amateur de littérature (et tous ceux qui ont vu les films précédents aussi, d'ailleurs).

   Notre film s'ouvre sur une scène digne de Mission Impossible. Par divers moyens, et démontrant des talents dignes de ninjas / agents secrets / James Bond, nos mousquetaires et Milady s'introduisent à Venise, afin de récupérer des plans secrets. Nous sommes soumis à une première louche de passages secrets, de répliques assassines, de gros ralentis et d'actions qui brisent sérieusement les lois de la physique, de l'Histoire et du sens commun. Les bons mousquetaires s'emparent des plans, mais ils sont trahis, et l'horrible Anglois s'empare des plans.

   Un an plus tard, D'Artagnan, qui manie l'épée comme pas deux, décide de monter à Paris pour devenir mousquetaire. En chemin, il se brouille avec un individu de mauvaise augure (la preuve, il a un cache sur l'oeil), et manque de perdre certains attributs utiles, parce qu'en plus d'être borgne, l'individu est lâche et profite de la puissance que lui donne sa bande de soldats. Heureusement pour D'Artagnan, il s'en tire avec son orgueil blessé et rien de plus. D'un poing vengeur dressé vers le ciel, il jure de se venger de l'outrecuidant.

   A peine arrivé à Paris et ayant trouvé une place pour garer son cheval, D'Arty se retrouve dans les ennuis. Voulant poursuivre le fourbe du paragraphe précédent, il offense bien malgré lui Athos, Porthos, puis Aramis, et se fait défier en duel. Et bien sûr, quand Athos arrive avec ses deux témoins, il se rend compte qu'il a défié les Trois Mousquetaires (d'où le titre, tadaaaam !). 

   Pas effrayé pour deux sous (ou alors totalement inconscient), le joyeux épéiste provincial s'apprête à tricoter de l'épée, quand les gardes du cardinal arrivent pour mettre tout le monde au pas. Bien mal leur en prend, car les Trois Mousquetaires Qui Sont Maintenant Quatre ne sont pas prêts à se laisser faire, et embrochent du garde à la pelle. D'Artagnan en profite pour draguer Constance qui passe par là, mais les quatre se font bientôt emporter par l'horrible Rochefort, l'homme au cache-oeil (car c'était lui !). Amenés devant le roi, celui-ci, au lieu de les punir, les félicite, au grand dam de Richelieu qui les aurait bien vus passés par les armes.

Aramis, Athos et Porthos sont bien contents.

   Richelieu, comme tout un chacun le sait (surtout ceux qui ont lu la description du personnage), conspire contre le Roi, avec Milady qui est à son service. Tous les deux, ils ont un Plan, qui consiste à faire croire au Roi que la Reine le trompe avec Buckingham parce qu'il a un beau bateau, et provoquer une guerre avec la Perfide Albion. Et tout ça à base de lettres et de diamants. Constance découvre le pot aux roses et prévient les Mousquetaires, et tout ce petit monde s'embarque pour Londres, à la poursuite de Milady.
Buckingham, ou la preuve que la banane se portait déjà sous Louis XIII.

   A Londres, forcément, Milady, qui souffre visiblement de ce que Tvtropes appelle le Chronic Backstabbing Disorder et qui connaît les méthodes des poursuivants, s'arrange pour que les Trois Mousquetaires Plus Un rencontrent une opposition farouche. S'ensuit une attaque en règle de la Tour de Londres, que je ne vous raconte pas, pas plus que la suite, pour vous laisser la surprise, mais autant dire que ça déménage et pas qu'un peu.
Son Altesse a le choix esthétique osé.

    Les petits détails et autres :

   Image : une agréable surprise : ce film est bien filmé. C'est-à-dire que les scènes les plus mouvementées restent regardables et ne donnent pas cette impression de caméra épileptique chère aux réalisateurs de films d'action les plus récents. Les scènes de combat sont très bien chorégraphiées, mêlant moulinets à l'épée et prises de catch pour notre plus grand plaisir. Les effets spéciaux, explosions et diverses machineries mécaniques sont également réussis, crédibles et agréables à l'oeil. Quant aux décors, ils sont absoluments magnifiques, avec mention spéciale pour les maisons à colombages des ponts de Paris. Accessoirement, je l'ai vu en 3D, et ça n'ajoute peut-être pas grand-chose, mais au moins, c'est joli !
 En Angleterre, on a pas d'idée, on a pas de pétrole et on a pas de Derrick. Par contre, on a des flingues.

   Musique : réalisée par Paul Haslinger, ancien membre du groupe Tangerine Dream, et qui a signé les BO de Course à mort, Shoot 'em up, Hypertension et autres Underworld, elle a un léger relent de Pirates des Caraïbes pas du tout désagréable à l'oreille, et vaut assez le détour.

   Interprétation : que dire des prestations de ce film ? Il est à croire qu'ils se sont donnés le mot. Autant Logan Lerman joue un brin comme une pantoufle, et d'ailleurs fait des grimaces quand il joue en arrière-plan, autant certains individus, je ne citerai personne, ont l'air de faire des concours pour voir qui en rajoutera le plus. Freddie Fox / Louis XIII se délecte visiblement dans son personnage de roi-enfant pourri-gâté, les Mousquetaires ont l'air de bien s'amuser, Matthew Macfadyen joue très bien l'homme blessé dans son âme,  Christoph Waltz en rajoute dans son rôle de Cardinal obséquieux, Milla Jovovich fait des tronches, et ils ont surtout tous l'air de bien s'amuser. Mais la palme est remportée par Orlando Bloom, qui en fait des caisses absolues dans son rôle d'Anglais maléfique et courtois. Rien que pour leur interprétation, ça vaut le détour.
Un jour, je serai calife à la place du calife !

   Le gros point critique :

   Alors... par où entamer ? C'est que j'en ai à dire sur le sujet !

   Le film s'articule autour de plusieurs concepts, possibles allousions et impressions qui se mêlent pour donner un amalgamme qui n'est pas sans rappeler la créature de Frankenstein, dont on se demande s'il y a moyen que cette chose se mette à marcher. Je vous rassure, ça ne marche pas, ça court.

   Il y a d'abord le pari risqué de greffer sur une histoire littéraire très connue des éléments totalement étrangers, tels que des bateaux volants, des machineries, des scènes d'action, des pièges, toute une fournée d'armes bizarres, ce qui pourrait choquer n'importe quel amateur de Dumas. Ce pari est gagné, au prix peut-être de la fidélité par rapport à l'histoire d'origine, qui se voit légèrement malmenée, ce qui pourrait déplaire aux amateurs précédemment mentionnés. De manière assez amusante, la greffe prend (m'enfin, moi je trouve, quoi).

   Le petit intermède marrant : certaines scènes rappelleront à certaines personnes des éléments de jeux vidéo. Outre Aramis qui nous fait un petit épisode Assassin's Creed avec le saut de la foi, et les bateaux volants qui ont un sérieux petit air de bateau de Final Fantasy, je ne dois pas être la seule qui a voulu mettre des barres de vie à la Soul Calibur lors du duel D'Artagnan vs. Rochefort (j'en veux pour preuve mon frangin qui a fait la remarque qu'"on dirait Raphaël").

 Un petit côté "Mission Impossible / Agence Tous Risques" assez marqué.

   Appréciable tout autant, le petit côté film de cape et d'épée "à l'ancienne", qui voyait Jean Marais (et d'autres également) tricoter du fleuret dans des escaliers, s'accrocher à des lustres, des cordes, accomplir toutes sortes d'acrobaties pour faire passer de vie à trépas une bonne vingtaine de malandrins d'un seul coup d'épée. Un petit parfum de nostalgie et de naphtaline pour ceux d'entre nous qui aiment les films du genre.

   (Décidémment, je me perds dans mes idées, et j'en ai trois tonnes à dire. Enfin, reprenons.)

   Comme tout film tiré d'un autre support, il s'agit tout de même de comparer l'objet obtenu avec d'une part, l'oeuvre originale, et d'autre part, les précédentes adaptations. Pour ce qui est du livre original, j'avoue que ça fait un sacré bail que je ne l'ai pas lu, et je suis donc mal placée pour en parler. J'utiliserai donc la carte "frangin", qui me répond "rien à voir". Bon. J'étofferai tout de même un peu. On retrouve les éléments principaux : Trois Mousquetaires, D'Artagnan, les ferrets de la reine, Richelieu le conspirateur, bref, les personnages et les grandes lignes conductrices. Pour le reste, c'est à peu près aussi fidèle au roman qu'à la recette du kougelhopf à la moutarde.

   Quant aux autres adaptations, elles sont légion, et je n'en ai malheureusement vu que quelques-unes (et le premier qui me dit Albert le cinquième mousquetaire, je le botte jusqu'à la semaine prochaine). J'appelle donc à la barre :

 - Les Trois Mousquetaires (1993, avec Kiefer Sutherland, Charlie Sheen, l'effroyable Tim Curry et quelques autres) : cette oeuvre qui n'avait encore moins à voir avec le livre que celle-ci, montrait entre autres une relation suspicieuse entre Aramis et Porthos, et le Cardinal finir dans les égouts de Paris après s'être pris un pain de la part du Roi. On est loin au-dessous de cette nouvelle version.

- D'Artagnan (2001, avec Tim Roth, Catherine Deneuve et Stephen Rea) : encore pire que le précédent. Au mépris du livre, ce film voit les personnages rebaptisés, les fils narrateurs tricotés en une chaussette informe, et les mousquetaires prendre d'assaut un château. Un vrai cauchemar.

-  Les Trois Mousquetaires (1953, mais je ne me souviens que de Bourvil alors on ira pas loin) : Il ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, autant dire que je ne peux pas vraiment comparer. Mais il n'y avait pas de bateau volant.

- Les quatre Mousquetaires (1953 également), qu'on me décrit comme une oeuvre comique à base de sandwichs, et qui visiblement pourrait être au niveau de ce film en matière de n'importe quoi.

   Bref, qu'est-ce qu'il en ressort de ces constatations diverses et variées, outre que Matthew Macfadyen a de beaux yeux ?

 Sérieusement !

   Ce pudding de mousquetaires à la sauce clockwork, malgré son aspect peu engageant pour tout fan du genre, est suffisamment agréable à l'oeil pour peu qu'on se soit muni de son second degré (et d'une paire de lunettes 3D pour les amateurs), et se montre une adaptation divertissante, parvenant à faire mouche là où les quelques autres adaptations que j'ai vues se vautraient dans le n'importe quoi. Un mélange d'action, de scènes particulièrement jouissives (le combat contre les gardes du cardinal), surprenantes (Milady the ninja) ou hilarantes (à peu près toutes les scènes impliquant le Roi), d'effets spéciaux réussis, ajoutez une pincée de sel pour les répliques, agitez fermement, faites cuire à feu doux, nappez d'allusions plus ou moins voulues (je persiste à me demander si le garde du cardinal qui casse son épée sur son genou n'est pas une allusion à l'Etroit Mousquetaire avec Max Linder...) et servez le tout pendant deux bonnes heures. Recommandé à tous ceux que la justesse historique ne ralentit pas, les amateurs de bonne rigolade, de films de cape et d'épée, de Christoph Waltz et Orlando Bloom, et tous ceux qui veulent passer un bon moment !

   La petite note : 15/20, tout de même !

Tous pour un, et 20% cooler !

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