dimanche 30 octobre 2011

Flash Gordon

   Revenons un peu en arrière, quand les films de science-fiction étaient en carton-pâte, les producteurs capables d'investir dans de drôles de choses (mais ça n'a pas trop changé, ça), et la science-fiction marchait à fond. Mettons-nous dans l'esprit de 1980, imaginons-nous dans un cinéma de l'époque. Installons-nous confortablement dans notre fauteuil, éteignons les lumières, et ouvrons grand nos yeux et nos oreilles pour profiter de ce son alors encore jamais entendu...

FLASH ! AAAAAAAAAAAH ! SAVIOR OF THE UNIVERSE !!


   Cette musique, incroyablement rythmée et que vous connaissez maintenant certainement tous, annonce le festival de kitsch connu sous le nom de Flash Gordon. Un monument de visuels délirants, de n'importe quoi frénétique, que n'importe quel fan de science-fiction de l'époque se doit de connaître.

   Comment résumer cette chose en quelques mots ? Il s'agit de l'adaptation cinématographique d'un comic créé le 8 janvier 1934 par Alex Raymond. Dans lequel Flash Gordon, Dale Arden et le docteur Hans Zarkov se retrouvent impliqués dans une lutte contre le maléfique Ming, qui veut détruire la Terre. Le Bien contre le Mal. Un principe classique. Sauf que... Sauf que le pinceau utilisé pour réaliser cette magnifique fresque manichéenne n'est pas vraiment le petit pinceau délicat de Léonard de Vinci, mais plutôt la brosse industrielle qui sert à peindre des réacteurs nucléaires.

   Allez courage, mettons-nous aux personnages :

- Sam J. Jones (dont apparemment, le plus grand acte de gloire est justement d'avoir joué ici) est le fantabuleux joueur de football américain Flash Gordon, dont l'intelligence est si manifeste qu'il éprouve le besoin de se promener avec son propre nom écrit sur son t-shirt. Il se retrouve embarqué bien malgré lui dans cette aventure pour avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment, et il va faire de son mieux pour mettre des bâtons dans les roues de Ming, figurativement parlant, bien sûr. Lui c'est le héros.

Il est beau, il est musclé, il va sauver l'univers !

- Melody Anderson (que j'aurais pu voir dans Réincarnations si j'avais vu Réincarnations) est Dale Arden, la journaliste que Flash rencontre au début du film, et qui elle aussi se retrouve embarquée dans une histoire pas possible. Et je vous rassure, elle aussi s'en serait bien passée. C'est la copine du héros.

- Topol (qui est apparu en tant que le trafiquant Colombo dans Rien que pour vos yeux) incarne le scientifique (probablement un astronome, mais c'est un peu vague) Hans Zarkov, le seul et unique qui se doute de quelque chose avant même que les ennuis commencent, et qui est bien décidé à appliquer son pied au postérieur du responsable de tous les ennuis qui leur tombent dessus. C'est le scientifique de service.

- l'immense Max von Sydow (et pas seulement parce qu'il fait dans 1m93, mais parce qu'il est apparu dans une sacrée quantité de films comme L'Exorciste (père Merrin), Minority Report, Dune, Judge Dredd, Shutter Island, récemment en Walter Locksley dans Robin des bois Begins) tient d'une main de fer le rôle de l'empereur Ming (dit Ming, empereur de la lune), un dictateur galactique très puissant qui tient un empire immense sous sa coupe et se permet de foutre le bordel où il veut pour son bon plaisir. C'est le méchant.
Ming et sa fille Aura, une certaine prestance dans le bling-bling.

- Ornella Muti (vue dans un nombre impressionnant de films italiens, et également dans Les Bronzés 3) est la princesse Aura, fille de l'empereur Ming. Elle fait preuve de la dépravation réglementaire pour un membre de la famille du méchant de l'histoire, et elle aimerait bien mettre sa griffe aux ongles vernis sur le héros.

- Timothy Dalton (le fameux James Bond de Permis de Tuer et Tuer n'est pas jouer, ainsi que Simon Skinner dans Hot Fuzz qui a déjà été traité ici) est le prince Barin, prince de la lune forestière de je-ne-sais-plus, et il porte des collants verts moulants du plus bel effet. Comme le suivant, il est sous la coupe de Ming.

- Brian Blessed (spécialisé dans les rôles de rois, de personnages de grande dimension, et que vous pouvez avoir vu dans Robin des Bois : prince des voleurs en tant que Lord Locksley, lui aussi) est le prince Vultan, prince des hommes-oiseaux, sous la coupe de Ming, et dont il aimerait bien se débarasser.

   Il doit encore y avoir quelques uns que vous devez connaître comme Richard O'Brien, l'auteur, réalisateur et acteur du Rocky Horror Picture Show, qui traîne dans les parages, et Deep Roy, qui a interprété de manière extraordinaire tous les Oompa-Loompas dans Charlie et la Chocolaterie version Tim Burton.

   Réalisé par Mike Hodges, qui a surtout fait des épisodes de séries télé, il s'agit de son magnus opum. Ou alors une sacrée ornière, à vous de juger. 

Indiana Jones meets Legolas (les colants verts sont en option). Timothy Dalton souffre pour son art.

   En avant pour la résumance !

   Après le générique qui clame que FLASH est le SAUVEUR DE L'UNIVERS, nous retrouvons notre héros blond, beau et musclé dans un avion, où non seulement les pilotes sont des grands fans de lui, mais en plus, il enteprend de draguer une jolie journaliste qui a peur de l'avion. C'est alors qu'arrive l'élément perturbateur : une grêle brûlante, déclenchée par un individu dont on ne voit que la main, qui décide de s'amuser avec la Terre. Bien évidemment, l'avion s'écrase.

   Pendant ce temps, un scientifique un peu plus avisé que les autres (Zarkov, car c'était lui !) s'est rendu compte que les aberrations météorologiques qu'il a constatées récemment ne sont pas un délire d'ivrogne ou une conspiration de présentateurs de météo, mais que c'est une attaque d'outre-espace ! Par un heureux hasard, il dispose d'une fusée galactique qui lui permettrait d'aller s'en occuper. Par un malheureux hasard, il lui faut un équipage pour la conduire, et son assistant s'est fait la malle au lieu de faire ses bagages. Par un second hasard hasardeux, l'avion contenant Flash et Dale s'écrase juste à portée de sa base. Aussitôt dit, aussitôt menacé, et tout ce petit monde héroïque s'entasse dans la fusée pour aller dire deux mots au responsable.

   Bien sûr, vous l'aurez deviné, ça ne sera pas facile. Flash, Dale et Zarkov se font bien sûr intercepter par les gardes de l'empereur, et sont amenés devant Ming, juste au moment où les divers peuples sous l'autorité de Son Altitude viennent payer le tribut. Ming démontre à quel point il est sans pitié et mérite son surnom (Ming the Merciless) en mettant à mort une ou deux personnes. Flash refuse de se soumettre, et met à profit ses talents de footballeur américain pour déclencher une bagarre de proportions épiques. Malgré cela, les choses tournent mal pour leur héros, et Ming reprend les choses en main. Flash est condamné à mort, Zarkov se fait effacer le cerveau pour devenir un garde, et l'empereur garde Dale pour son usage personnel.
Dark Vador, prends-en de la graine !

   Les choses pourraient être bien mal barrées, mais c'est compter sans le pouvoir de l'amour, un peu de courage, et un tube des Beatles. La princesse Aura réussit à sauver Flash de l'exécution, et elle l'emmène sur l'Endor local pour le cacher. Bien sûr, le prince Barin n'est pas particulièrement content, et il a tôt fait de le faire comprendre. Après l'avoir fait mariner dans une cage presque entièrement immergée, Barin et Flash s'affrontent en duel. Flash finit par faire le mort et prend la tangente.

   De son côté, Zarkov réussit à échpper à la reprogrammation en agent Zarkov en récitant toute une série de trucs et le tube des Beatles précité. Dale utilise les moyens à sa disposition pour mettre hors d'état de nuire les gardes sur son passage, et les deux réunis s'empressent de s'enfuir. Dale, Zarkov, Flash et Barin se retrouvent tous les quatre chez les hommes-oiseaux, et tentent d'organiser une résistance contre Ming. Réussiront-ils à trouver un accord sachant que chaque prince veut assassiner l'autre ? Pourront-ils se débarasser de l'horrible empereur ? Toutes ces réponses et bien plus dans FLASH, SAVIOR OF THE UNIVERSE ! *pompompompom*

La minute de fanservice "costumes clinquants et gros flingues" vous est offerte par Melody Anderson.

   Les détails :

   Image : en soi-même, c'est plutôt bien filmé. Comprendre qu'on voit ce qui se passe, sans travellings, zooms de ouf, effets de caméra, mais l'époque était plutôt à une caméra sur pied, pas sur l'épaule en pleine patinoire.
   Par contre, pour ce qui est des décors, des effets visuels et des effets spéciaux... Les décors et les visuels sont tape-à-l'oeil, ultimement kitchs, parfois même franchement moches. Tout est rouge, or, bordeaux, rose, brillant, lumineux, flamboyant, les vaisseaux ne ressemblent pas à grand-chose, on retrouve une débauche de pointes, d'ornements, ce qui de manière amusante est également le cas de l'horrible costume de Ming. Un certain nombre de plans font penser à des clips de morceaux psychédéliques ou de l'encre dans de l'eau, avec des vaisseaux ou des planètes maladroitement surimposés devant.
   Quant aux effets spéciaux... Là où George Lucas, avec le budget beaucoup moins important de son Star Wars et des éléments comme des bâtons de sucette parvenait à nous faire des scènes d'espace tout à fait exceptionnelles même trente ans plus tard, les responsables des effets de Flash nous étalent des effets pour la plupart complètement ratés et même, dirais-je, ringards, comme les hommes-oiseaux qui volent avec la grâce d'une enclume attachée au bout d'une corde.

   Musique : aaaah, le gros point positif de ce film, c'est la musique. Signée par Queen, alors vaguement en dérive disco (Hot Space en est la preuve), elle est riche en guitares, en riffs épiques et en synthétiseurs, souligne l'action et permet de rajouter encore du dynamisme à un film qui n'en demandait pas tant. Quant à la chanson du titre, elle reste encore gravée dans nos esprits. La grande classe.

   Interprétation : autant dire que les acteurs doivent se douter de ce dans quoi ils jouent. On peut séparer ça en trois parties. La première est "je tente de garder mon sérieux et ma dignité en jouant dans ce film" et inclut surtout Melody Anderson, Ornella Muti, et Sam Jones qui se doit bien de garder le cap en tant que héros. La seconde, "j'en fais des caisses, parce qu'au point où j'en suis, hein" regroupe Timothy Dalton qui se dit qu'après les collants verts, hein... Topol le savant à l'accent vaguement bloc soviétique, et surtout Max Von Sydow, qui se délecte de son rôle de méchant tyran, et à qui je tire mon chapeau pour son impressionnante performance. En effet, il ne pouvait tourner que pendant quelques minutes à la fois, étant donné son costume outrageusement orné qui pesait pas moins de 35 kg ! Et la troisième partie, intitulée "Brian Blessed". Il vocifère ses répliques avec des yeux exorbités d'une voix tonitruante, tire des tronches pas possibles à n'importe quelle occasion, et se permet même un fabuleux "Who wants to live forever ?". Un gros bonus avec des ailes en carton couvertes de paillettes.

Le prince des hommes-oiseaux dans toute sa splendeur cartonneuse.

   Point-critique :

Soyons honnêtes : d'un point de vue tout à fait impartial, Flash Gordon était quand même un sacré naufrage. Adapté d'un comic qui était le précurseur des héros musclés comme Superman et ses potes, et financé par Dino de Laurentiis, qui avait déjà produit un bon nombre de films à grand succès (et un certain nombre de navets...), on s'attendait à un film héroïque, fabuleux, aux effets spéciaux à la pointe du progrès (même si bon, les années 80, on en était encore aux maquettes). Au lieu de ça, on a un héros un peu mou, qui a l'air un peu largué dans ce space-opéra psychédélique, mais bon, on le comprend. Autour de lui, tout le monde cabotine à fond les manettes, Brian Blessed hurle ses répliques, Ming est infâme, tout comme les décors. Qui ont l'air d'avoir été conçus sous LSD, et pas qu'un peu. Des effets spéciaux à peine meilleurs que l'Homme-Puma (parce que le puma volant volait quand même en marche arrière), du clinquant, du tape-à-l'oeil. On est loin de la sobriété des vaisseaux impériaux de Star Wars. Tout ça donne un feu d'artifices tous azimuts dans lequel sombrent les fils du scénario, le sérieux du film, et l'héroïsme de Flash, pavillon bas.

   (Je ne lis pas de comics, donc je serais bien mal barrée pour comparer avec la bande dessinée.)

   En ce qui me concerne, je suis totalement fan de Flash Gordon. Ce film est un monument, le mètre-étalon du kitsch, avec ses décors et son empereur rouge et or, ces cieux encre-de-couleur-sur-plaque-de-verre, ses répliques techno-pouet-pouet (dès qu'on plonge dans le langage technique, c'est tout un poème, et n'oublions pas les vers perforants !), ses personnages hauts en couleur (toutes les couleurs, même), la musique, l'ambiance... Tout est tellement abusé que ça en devient drôle, on croirait presque une parodie du genre. De voir également des acteurs que j'aime bien (Timothy Dalton et Max von Sydow, surtout) se dire qu'au diable le sérieux, tant qu'à être dans la panade, autant s'amuser, permet de sublimer la chose. Musique pêchue, effets spéciaux ratés, science-fiction, caisses faites tous azimuts, tous les ingrédients qui me plaisent.

   Je recommande ce film à certaines catégories bien précises de personnes : celles qui aiment les nanars, parce qu'on en tient un bon gros, là, les fans de SF des années 80, les fans de Max Von Sydow, Timothy Dalton ou du reste, les gens qui aiment le kitsch, et les gens qui cherchent un film à regarder à trois heures du matin.

Ming, empereur de la lune, n'approuve pas cette chronique.

   Note : 14/20

   Vous vous attendiez à ce bonus, non ?


2 commentaires:

Mando a dit…

Tarzan ayant été créé en 1912, ça doit être dur pour Flash d'être son précurseur, non ?

Aelle Farben a dit…

Je regarde ce film avec Tu-Sais-Qui et je reviens commenter.

(d'ici 15 ans, quoi)